Cet article fait suite à une keynote et deux tables rondes, sur le thème de l’économie circulaire dans l’automobile, organisées par le Mobility Club de Via ID, un réseau dédié aux décideurs du secteur de la mobilité. Le Mobility Club accompagne ses membres – grands groupes, startups et investisseurs – dans leur transformation stratégique en favorisant l’accès à des insights de marché, à des contenus exclusifs, et à des événements comme celui-ci.
Si vous êtes intéressés pour rejoindre le Mobility Club by Via ID, contactez Pierre Gonnet, Corporate Innovation Manager chez Via ID : [email protected].
L’économie circulaire dans l’automobile : un levier clé pour un futur durable
Lors de la keynote sur l’économie circulaire dans l’automobile, Jean-Michel Pinto, Partner chez Roland Berger, a exploré les opportunités et défis d’un modèle crucial pour les entreprises du secteur automobile. Avec 290 millions de voitures en circulation en Europe et 11 millions de véhicules mis au rebut chaque année, le potentiel de récupération de matériaux tels que l’acier, le plastique et l’aluminium est immense. Ce modèle pourrait non seulement réduire les émissions de CO2 jusqu’à 85 % pour les pièces remanufacturées, mais aussi générer un marché estimé à 14 milliards d’euros d’ici 2030.
Cependant, plusieurs obstacles freinent son adoption. La complexité des écosystèmes, les contraintes technologiques et la faible reconnaissance des produits circulaires par les clients limitent sa mise en œuvre. Pour dépasser ces défis, les régulations européennes, la montée en puissance du remanufacturing (avec une croissance annuelle de 9 %) et les partenariats entre acteurs clés s’avèrent essentiels. Des projets pilotes bien structurés et des collaborations stratégiques sont également nécessaires pour accélérer la transition vers un modèle industriel circulaire durable.
L’économie circulaire : une transformation de la chaîne de valeur automobile
Lors de la première table ronde, les discussions ont porté sur les actions concrètes pour intégrer l’économie circulaire dans la chaîne de valeur automobile et sur les transformations qu’elle engendre. Plusieurs acteurs, historiquement focalisés sur des approches linéaires, voient dans ce modèle une opportunité de se différencier, de se diversifier et de capturer davantage de valeur tout au long de la chaîne. L’intégration de nouveaux types de produits et services, comme le recyclage ou la valorisation des déchets, offre la possibilité d’évoluer sur la chaîne de valeur, par exemple en se rapprochant de l’industrie chimique ou en devenant producteur de matières premières.
Certaines entreprises adaptent leurs stratégies pour embrasser les opportunités de ce nouveau modèle. C’est le cas notamment des entreprises de leasing, qui prolongent de plus en plus la durée des contrats de location et intègre des véhicules d’occasion dans leurs parcs dans une démarche de “re-lease”, réduisant ainsi les coûts pour le client final et maximisant la durée de vie des produits. En appui de cela, et contrairement à ce que beaucoup pouvaient craindre, les premières générations de véhicules électriques d’occasion ayant terminé leur premier cycle de location affichent des performances prometteuses, avec des batteries conservant un état de santé (SOH) supérieur à 90 %, permettant de les intégrer dans un second cycle de leasing.
Cependant, malgré les nombreuses opportunités que l’économie circulaire présente pour de nombreux acteurs du secteur automobile, il est important de noter que l’évolution vers ces nouveaux modèles présente des défis de taille. En effet, dans un premier temps, il faut réussir à développer des modèles économiques viables, et une répartition de la valeur équitable (niveau de marge équivalent au neuf, prix final plus intéressant etc.). Il est crucial aussi d’avoir en tête le fait que l’économie circulaire induit aussi des collaborations et de la transparence avec d’autres acteurs avec lesquels nous étions historiquement assez secrets. De plus, il faut réussir à embarquer les acteurs en interne et en externe, vers des évolutions culturelles et organisationnelles pour passer du modèle historiquement linéaire à un nouveau modèle circulaire.
Transformer les modèles opérationnels pour une économie circulaire
La seconde table ronde s’est concentrée sur l’évolution des modèles opérationnels nécessaires pour intégrer les principes de l’économie circulaire. Les pièces issues du réemploi gagnent en popularité parmi les réparateurs, avec 60 % d’entre eux les proposant systématiquement, contre 40 % l’an dernier. Cependant, un changement culturel et opérationnel est indispensable pour convaincre les distributeurs, les garages et les leasers que ces pièces offrent une qualité comparable, une marge équivalente, et un prix plus attractif pour les clients. Ce positionnement permet à la fois de satisfaire les consommateurs et de garantir aux prescripteurs une rentabilité équivalente, voire supérieure, à celle des pièces neuves.
En amont, l’éco-conception s’impose comme un pilier central pour faciliter la réutilisation future ou le reconditionnement des produits. Cela passe par l’adaptation des processus industriels et le développement de nouveaux matériaux plus simples à valoriser dans une économie circulaire.
Il faut par la suite, accompagner le changement des cultures au sein des entreprises et vis-à-vis des relations avec leurs partenaires. Il est nécessaire d’entamer des collaborations plus transparentes et de bien expliquer les bénéfices de ces nouvelles pratiques pour créer une adhésion collective. Le dialogue entre les acteurs de la chaîne de valeur doit s’élargir et se concentrer sur la co-création et l’innovation, en dépassant les approches traditionnelles de compétitivité fondées uniquement sur les prix.
Enfin, le rôle du top management est crucial pour inscrire ces transformations dans une vision stratégique durable. Les entreprises doivent accepter que ces initiatives, bien qu’initialement peu rentables, sont nécessaires dans une industrie fortement émettrice et dans un contexte où les prix des matières premières augmentent. Investir dès maintenant dans des modèles circulaires leur permettra non seulement d’être mieux préparées pour demain, mais aussi de développer de nouveaux relais de croissance, comme la revente de produits remanufacturés ou la production de matières premières revalorisées dans d’autres industries.
Le développement d’un modèle circulaire semble donc nécessiter de fortes adaptations (processus, collaboration, modèles économiques, etc.) mais reste essentiel dès maintenant pour répondre aux enjeux futurs des entreprises et de leurs clients (réglementation, évolution des besoins etc.).